Le chantier progresse ! Nous en étions restés en octobre dernier à la réservation de 25 m3 de terre sur le site par le terrassier pour la fabrication à venir de briques d’adobe. Les beaux jours revenus nous avons commencé par positionner fin mai les deux journées de formation initiale prévues à l’intention des personnes en insertion. Marta, référente terre de notre association, a piloté cette journée de sensibilisation et de découverte du matériau terre dans les murs du chantier d’insertion et une journée plus pratique sur le site du chantier de la crèche. Nous avons également organisé pour les encadrants du chantier d’insertion Trajet une visite chez un professionnel du bassin rennais qui fabrique des briques de terre et qui a accepté de partager son savoir-faire et son organisation. Ces échanges ont permis aux encadrants du chantier d’insertion de mieux appréhender en condition réelle les tenants et les aboutissants de la tâche à réaliser. Cela les a conduit en phase préparatoire du chantier à fabriquer sur mesure deux grandes tables dotées chacune de 4 postes de travail, les moules pour les briques, calibrées aux dimensions de l’ossature et les rack-palettes pour les stocker. Tout ces préparatifs ont permis d’optimiser les conditions de travail des personnes en insertion tout en assurant un rendement maximal de la production.
Mise en production
Deuxième semaine de juin nous nous lançons dans la fabrication des premières briques. Le temps pluvieux nous ralentit fortement et nous oblige à attendre la mise en place d’une aire de stockage et de production abritée sous barnums. Nous nous rendons rapidement compte du soutien indispensable d’un temps ensoleillé pour assurer un séchage optimum des briques de terre : 2-3 jours de séchage au soleil pour 10 à 15 jours sous barnum.
Un process dynamique, varié, valorisant et formateur
La variété des tâches inhérentes à la fabrication des briques de terre permet de solliciter différentes qualités chez la personne en insertion : le tamisage, le malaxage, le moulage des briques, le séchage, la mise sur palette, le montage dans les cloisons intérieures, la finition des joints de mortier. Le travail en équipe tout au long des différentes phases du chantier ainsi que la variété des tâches proposées produisent un effet stimulant qui permet aux personnes concernées de s’impliquer positivement sur toute la durée du chantier. Il permet également aux personnes les plus en retrait, les plus en difficulté ou en souffrance de s’inscrire au fur et à mesure dans cette dynamique globale positive et vertueuse en trouvant leur place dans l’oeuvre globale.
Chaque personne du chantier d’insertion a pu s’impliquer dans toutes les phases de réalisation ; de la terre brute au mur fini. Tous ont acquis un savoir-faire pratique et valorisant, progressé du début à la fin du chantier et pu mesurer le résultat de leur progression. Tous ne sont pas parvenus à tout faire mais certains se sont avérés très compétents. Les responsables de la structure d’insertion ont décidé d’associer un Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) qui permettra aux personnes en insertion de sanctionner positivement la participation à ce chantier et les savoir-faire acquis.
Equipes présentes sur le chantier
Association Trajet : Alexandre et Stéphane, encadrants du chantier d’insertion, plus les équipes des personnes en insertion. De 4 à 15 personnes en fonction des tâches et des disponibilités.
Association HEN : Jean-Michel (moi-même) qui assure un accompagnement professionnel artisanal, social et solidaire auprès des personnes en insertion, et une assistance technique du chantier d’insertion auprès notamment des parties prenantes professionnelles du marché public (maître d’ouvrage, architecte, bureau de contrôle, entreprises, réunions de chantier…)
Le sens de cette démarche d’éco-construction et d’insertion par l’activité économique
La dimension environnementale
La terre, matériau utilisé de tous temps par l’Homme, trouve une pertinence accrue par ces temps responsabilisants qui courent. (cf Hans Jonas). Non seulement du fait de sa neutralité carbone mais également par ses performances énergétiques et sanitaires. Ces cloisons intérieures en briques d’adobe vont apporter de la masse et de l’inertie dans ce bâtiment construit en ossature bois. D’autres matériaux biosourcés comme la paille ou le chanvre s’avèrent également très pertinents au vu des enjeux environnementaux.
La dimension économique et sociale
Le modèle économique des matériaux biosourcés est très lié à la main-d’oeuvre nécessaire à leur mise en oeuvre. De ce fait la participation des chantiers d’insertion s’avère tout à fait pertinente pour œuvrer à la promotion des géosourcés et biosourcés et au développement des filières locales associées.
La dimension professionnelle
Que seraient les métiers du bâtiment de demain si l’utilisation des matériaux naturels se multipliait ? Interésser les personnes en insertion à ces métiers ré-émergents pourrait dresser des perspectives professionnelles encourageantes.
La dimension politique
Mais d’où pourraient bien venir les encouragements ? A l’image de ce chantier de la crèche d’Orvault :
- Les choix politiques doivent participer en actes au développement de ces filières vertueuses en faisant en sorte que les marchés publics favorisent et promeuvent ces mises en oeuvre dans les projets de construction et de rénovation.
- Favoriser les chantiers d’insertion dans ces marchés publics orientés biosourcés participe au renforcement du modèle économique de ces derniers et rend de ce fait les SIAE moins dépendantes des financements départementaux.
- La qualité et la variété des possibilités offertes par l’éco-construction en terme de pratiques professionnalisantes éloigne des activités occupationnelles peu valorisantes trop souvent proposées aux individus concernés.
- La forte implication de l’association HEN de la conception à la réalisation de ce chantier illustre de son côté l’apport et le soutien citoyen à la démarche globale.
La dimension participative
Ces notions de participation et d’échange des savoirs sont en quelque sorte l’ADN d’HEN associées bien sûr à la promotion des matériaux naturels dans le bâtiment. C’est cette dynamique collaborative promue en son sein qui a conduit les adhérents de l’association à faire émerger les premiers habitats participatifs ou écohameaux sur le territoire de Loire Atlantique. Cette approche fonctionne donc bien avec les SIAE mais ça fonctionne aussi avec les habitants ou les écoles ; usagers ou futurs usagers des bâtiments construits.
Forte de son expérience dans la formation et la promotion des matériaux biosourcés et dans l’accompagnement et l’encadrement des particuliers auto-constructeurs, HEN souhaite se positionner comme facilitateur de ces pratiques économiques sociales et solidaires auprès des maîtrises d’ouvrage publique ainsi qu’auprès des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE).
Le chantier devrait toucher à sa fin en octobre.
Jean-Michel Mezange